WINTZENHEIM 14-18

1915 : évacuation des villages de la vallée de Munster


Ordre d'évacuation

8 juin 1915 : Metzeral et Sondernach

La nouvelle se répand comme une trainée de poudre : jusqu'à vendredi 11 juin tout Metzeral et Sondernach doivent être évacués ! Une histoire d'espionnage en serait à l'origine. Des signaux lumineux auraient été envoyés, des lignes téléphoniques auraient été installées entre les habitants de Metzeral et Sondernach et les Français. Vrai ou faux ? Ce serait effroyable si deux grands et riches villages innocents devaient partir en exil !

Tard dans la soirée un violent orage s'est annoncé dans le ciel. Il a fait fait nuit, une nuit noire comme la poix, zébrée par des éclairs aveuglants, traversée par le roulement du tonnerre et le grondement des canons ; quand après la tempête orageuse une effroyable averse s'est abattue, la tête du cortège des réfugiés est passée devant le presbytère, "Heimatlos", sans patrie.

Ils se trainaient dans un cortège sans fin, femmes avec leurs baluchons, enfants criant, vieillards en larmes, hommes qui avaient lutté toute leur vie pour acquérir leurs biens, s'édifier un ménage et jouir à la fin de leurs jours de leur propre maison, ou ferme, de belles étables, d'un jardin bien cultivé à l'écart en fond de vallée. Maintenant ils passaient avec leurs chariots, leurs voitures et le bétail meuglant ; leurs lits et leurs meubles avaient été empilés en toute hâte sur le char à ridelles découverts afin de les sauver de la destruction et ils conduisaient leurs derniers biens hors de la vallée, totalement trempés sous la pluie battante, aveuglés par les éclairs dans le furieux fracas des combats : derrière eux la Heimat bien aimée, devant l'avenir sombre et angoissant.

Pauvres hommes qui ne savaient même pas où ils pourraient mettre sous abri leurs biens détrempés. L'ordre disait : entre Wihr-au-Val et Walbach ils pourront rester et habiter. Ils n'ont pas le droit de retourner en arrière, ni d'avancer. Heimatlos ! Heureux celui qui dans toute sa misère a encore sa Heimat !


19 juin 1915 : Muhlbach et Breitenbach

En plein milieu du vacarme des canons arrive par téléphone l'ordre d'évacuation. Il a le contenu suivant :

ORDRE

d'évacuation de Muhlbach et de Breitenbach avec les localités annexes. Tous les hommes, toutes les femmes et tous les enfants ont à évacuer ces localités et à se rendre jusqu'au 24 juin à 9 heures du matin à Colmar, où ils ont à se signaler à la direction du Kreis.
Il est strictement interdit que les habitants de ces localités prennent cantonnement de leur propre chef à l'ouest de Colmar, pour eux et leur bétail.
Comme la route Metzeral-Munster est sous le feu de l'ennemi, le départ ne peut avoir lieu que de nuit, et il doit être renoncé à un transport en commun.
Les commandants du lieu, en collaboration avec le maire et les gendarmes, ont à commencer à faire partir la population par petits groupes le 19 juin au soir, à pied, en direction de Colmar. Les dernières personnes doivent quitter au plus tard le 24 juin à 1 heure du matin la localité et il est à indiquer clairement à la population que toute personne ne respectant pas ponctuellement ce délai sera emmenée de force par transport militaire et sévèrement punie.
Pour le transport de malades et d'enfants, des voitures en petit nombre peuvent être demandées par les commandants de la localité auprès de la Division. Le ravitaillement et l'hébergement des gens est à la charge de la Kreisdirektion de Colmar.
Tout le bétail est à mener à Colmar et à mettre à l'abri dans la caserne des Dragons.
Le transport des archives communales pour les deux localités est à la charge du Maire Stephan, en accord avec le commandant de la localité.
Des vivres, en particulier de la farine et des provisions de fourrage, sont à acheminer avec le plus grand soin par les commandants de localités par le biais des voitures commandées auprès de la Division, vers Colmar à la direction du Kreis.
L'ensemble des commandants des localités situées entre Breitenbach et Colmar ont à informer leurs sentinelles de laisser libre passage sans laisser-passer aux habitants de Muhlbach et Breitenbach, sur tous les chemins vers Colmar.
Signé von Bahrfeld, général d'infanterie

Source : Chronique de la Vallée de Munster pendant la Première Guerre Mondiale. Un pasteur alsacien sous la mitraille et les obus. Erwin Teutsch, Jérôme Do Bentzinger Editeur 2005


25 août 1915 : L'évacuation de Munster, ville morte

Le 20 août les gens qui habitent encore tant bien que mal dans les maisons du quartier de l'Elm, particulièrement malmenée par les obus français, reçoivent l'ordre de quitter leurs domiciles avant le lendemain matin 5 h.
Ils ont juste le temps de prendre quelques affaires, du linge et des vêtements. Le reste ils sont obligés de le laisser sur place. L'administration militaire allemande met à leur service des charrettes menées par des soldats.
Enfin, ce 25 août, le verdict tombe, c'est l'ensemble des habitants de la ville qui doit partir, la ville est devenue un véritable enfer. C'est la fin de l'agonie.
Pendant quatre années, Munster va être une ville morte. Entre Gunsbach-Griesbach, Eschbach et Mittlach, la vallée devient un véritable désert, un immense champ de ruines dans lequel vivent les soldats des deux armées aux prises. Le sentiment de la population est mitigé, c'est à la fois un immense soulagement de quitter cette ville invivable et puis un immense désespoir à l'idée de devoir quitter tout ce qui est cher, de s'arracher de la Heimat.
Voici les derniers moments de Munster, racontés par Sophie Matter, témoin de cet événement tragique : « Un bombardement après l'autre est tombé sur notre ville. Je me suis préparée pour le départ vers Colmar, mais le courage n'était pas là, la route a été, à plusieurs reprises, balayée par l'artillerie française et le matin vers 2 h une maison a brûlé vers l'Elm. Alors j'ai pris la décision de ne pas partir. Et je fis bien car le chariot avec lequel je comptais partir a été déchiqueté par un obus...
La ville doit être complètement évacuée jusqu'au 30 août. Au moment où l'appariteur nous l'a annoncé, j'ai pensé que c'était un ordre terrible. Tout est resté calme, seul un grand abattement s'est fait sentir parmi la population. Le soir, les chars et chariots ont été mis à disposition de la population qui n'a le droit d'emporter que du linge. Tout le monde doit se réunir devant l'église catholique. Nous avons été en grand souci à cause de nos meubles. Il n'y avait de chariot libre nulle part et ce n'est que grâce à un malentendu que nous avons pu nous procurer un char-à-bancs, tiré par un vieux boeuf misérable.
Le soir vers 8 h, alors qu'il faisait déjà nuit, nous avons chargé notre voiture, tous y ont participé et, en peu de temps, le chariot a été prêt mais nous manquions de cordes pour attacher les meubles. Papa a couru vers le Birken, au danger d'y laisser sa vie, pour y chercher des cordes chez un cordelier. Par deux fois il dut chercher refuge dans une cave et au moment où il arriva à la maison de I'artisan, celle-ci était en train de brûler. Le propriétaire courut à l'intérieur et lui remit quelques cordes. La même nuit, toute la rue a brûlé, avec la maison du cordelier... »

Source : DNA du dimanche 25 août 2019 (archives de la Ville de Munster, annuaires de la société d'histoire)


Les habitants de la vallée et leurs troupeaux passent à Wintzenheim 

Wintzenheim 1915 EVAC-01

Le photographe est monté sur la grande route, en direction de Saint-Gilles.
Là il a rencontré ces familles fuyant la guerre.
Les hommes étaient enrôlés dans l'armée et les femmes avaient la charge de toute la famille.

(Photothèque SHW 631, Album SHW 098)
Wintzenheim 1915 EVAC-02

Évacuation de la vallée de Munster. Ce sont les troupes d'intendance allemandes qui organisaient ces évacuations et qui escortaient les civils vers la plaine.
Des vivres, en particulier de la farine et des provisions de fourrage sont acheminés vers Colmar à la direction du Kreis.
Les sentinelles entre Breitenbach et Colmar avaient ordre de laisser libre passage sans laisser-passer aux habitants de Muhlbach et Breitenbach sur tous les chemins vers Colmar.
Assis au bord de la route : l'instituteur Jules Rudloff.

(collection Louis Rudloff)
Wintzenheim

 EVAC-03

Vue sur le vignoble et la carrière du Wartstein.

(Photothèque SHW 632-592)

Wintzenheim 1915 EVAC-04

Vue sur le vignoble et la carrière du Wartstein.

(Photothèque SHW 506)
Wintzenheim EVAC-05

Femmes, enfants, vieillards, tout ce monde était à la recherche d'un toit accueillant.

Réfugiés de la vallée de Munster, à Wintzenheim ; ils ont dû quitter leurs maisons et leur village, ils connaissent la guerre dans toute sa dureté (été 1915).

Flüchtlinge des Münstertales in Wintzenheim ; sie mussten ihre Häuser und ihr Dorf verlassen ; sie kennen der Krieg in seiner ganzen Härte (Sommer 1915).

(Photothèque SHW 591-633, Album SHW 099)
Wintzenheim EVAC-06

Aux environs du 107 rue Clemenceau.

L’ordre d’évacuation de la vallée de Munster stipulait que tout le bétail devait être mené à Colmar et mis à l’abri dans la caserne des Dragons.
C'est ainsi qu'à Wintzenheim on vit passer les exilés avec leurs troupeaux.

(Photothèque SHW 593-634, Album SHW 096 )
Wintzenheim EVAC-07

Devant l'Hôtel Meyer

Les exilés de la vallée de Munster fuient les combats avec tout ce qui roulait et pouvait être chargé de leurs affaires. Un certain nombre d'habitants de Muhlbach et Breitenbach trouvèrent refuge chez des membres de leurs familles au Logelbach car les établissements Haussmann avaient aussi une usine à Breitenbach.

(collection Marie-Antoinette Laurent-Tag, Album SHW 097)
Wintzenheim EVAC-08

Devant le 1 rue Clemenceau (maison de retraite).

Les habitants de la vallée de Munster et leurs troupeaux fuyant les combats vers la plaine passent devant l'hospice de Wintzenheim.
Photo prise depuis la maison Wantzen (Arthuss).

(collection Annelise Feur-Wantzen)

Liste des 146 réfugiés de Haute-Alsace
accueillis en 1915 dans la commune de Wintzenheim

Communes d’origine, nombre de personnes, patronymes :

Basse-Huttes : 8 (Ancel, Ancel-Olry, Valentin, Valentin-Miclo)
Breitenbach : 11 (Barre, Lamey, Munschy, Sontag, Sontag-Sigrist)
Cernay : 1 (Valentin)
Eschbach-au-Val : 1 (Hebinger)
Gunsbach : 2 (Werrey, Werrey-Haeberle)
Hartmannswiller : 4 (Wentzel, Wentzel-Gross)
Hohrod : 2 (Haeberle, Weber)
Lapoutroie : 1 (Guidat)
Lautenbach : 1 (Saas-Schott)
Luttenbach : 14 (Braesch, Braesch-Fussner, Buehl, Buehl-Matter, Hinkel, Hinkel-Mueller, Werrey, Werrey-Braesch)
Merxheim : 1 (Arms)
Metzeral : 23 (Ambeis, Bill-Fresch, Braesch, Braesch-Schickel, Ehrhart, Iltiss, Meder, Schickel, Schickel-Spenle, Schlumpf, Schlumpf-Bayer, Weigel, Weigel-Meyer)
Munster : 26 (Ehrhart, Frick, Graff-Langjahr, Gutleben, Hebinger, Hebinger-Meyer, Hebinger-Wodey, Huntzinger, Margandi, Margandi-Dillenseger, Pierre, Pierrey-Haxaire, Walf, Weber, Wetzel-Langjahr, Wolff-Baumann)
Niederaspach : 4 (Raeufling, Richert)
Orbey : 5 (Didierjean, Grivel, Grivel-Meissner, Guidat, Guidat-Baffrey)
Soultz : 3 (Daul, Daul-Singer, Zoller)
Uffholtz : 7 (Bientz, Bientz-Schluessel, Waldner, Waldner-Schluessel)
Wattwiller : 2 (Bronner, Haeberle)
Wihr-au-Val : 2 (Saas)
Wittelsheim : 4 (Bauer, Kaufmann)
Wuenheim : 24 (Beck, Gasser, Gasser-Haeffele, Lepagnez, Lepagnez-Schwann, Reitle, Reitle-Rest, Ritz, Ritz-Laucher, Rothenburger, Rothenburger-Mechler)

Source : Archives Municipales de Wintzenheim - Liste établie le 27 décembre 1915


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