WINTZENHEIM 14-18

1914 : la campagne d'Alsace du Savoyard Lucien Guy


Souvenirs de la Campagne 1914

Lucien GUY, musicien-brancardier aub 97e de ligne

Préliminaires

Chambéry - 1er août 1914

A minuit le clairon sonne, annonçant l'ordre de mobilisation. Nous nous réveillons en sursaut, comme au sortir d'un rêve et nous regardons avec des yeux hagards, comprenant mal la situation actuelle. La porte de la chambre s'ouvre brusquement et un sous-officier nous annonce le décret de mobilisation et nous donne l'ordre de nous lever sans tarder et de revêtir les effets et équipements de guerre.

Nous ne pouvons encore en croire nos yeux et nous habillons rapidement, en proie à une agitation extraordinaire. Nous garnissons nos sacs du linge nécessaire et conformément aux prescriptions du règlement . Nous démolissons nos paquetages et empilons les effets par séries. Nous bouclons nos cassettes et clouons, non sans une certaine émotion, l'adresse de la famille sur le couvercle. Et nous nous séparons à regret de cet unique bibelot du soldat qui renferme pour lui les objets les plus précieux dans la modeste chambrée.

Nous sommes équipés. Nous recevons des fusils, baïonnettes et cartouches et nous quittons, ainsi affublés, cette chambre où nous avons passé de si longs jours, parfois très gais et le plus souvent assez mornes et durant lesquels l'esprit mélancolique se tournait vers la libération prochaine, à travers la fumée de nos pipes consolatrices.

Nous descendons dans la cour où règne une animation inaccoutumée. Les réservistes accourent de tous côtés, effarés et agités. Un grand évènement vient de s'accomplir ; la nation entière vient d'entendre le cri d'alarme et accourt à l'appel de la patrie. Je rencontre alors dans cette cour intérieure mon cousin, déjà en tenue et qui m'apprend la rupture entre les puissances. La mobilisation est décidée.

Nous prenons la garde à tous les postes habituels ainsi qu'aux grands établissements publics, permettant ainsi aux compagnies de se préparer et d'évacuer la caserb=ne que les réservistes vont occuper. Je suis envoyé aux magasins du Colombier.

Nous passons trois jours de garde tandis que le régiment quitte la ville et va cantonner à la Ravoire et que la Réserve est bientôt équipée. Quel trafic pendant ces trois journées, quelle animation ! Des véhicules de tous genres circulent sans interruption, chacun chargé d'un service spécial pour l'armée.

A suivre...


Annemasse le 18 avril 2014

Cher Monsieur Frank,

L'Alsace va tenir une bonne place dans la commémoration de la Guerre de 1914-18 en Savoie. Un grand nombre de Savoyards servaient dans les troupes de montagne (chasseurs alpins et infanterie alpine), qui ont été engagées sur le front des Vosges. Parmi eux, le 97e d'infanterie, de Chambéry, le régiment emblématique des Savoyards. Dès le début du conflit, il sera envoyé sur les Alpes, pour couvrir la frontière avec l'Italie, théoriquement alliée à l'Allemagne et à l'Autriche-Hongrie, dans la Triplice. L'Italie ayant déclaré sa non-belligérance, avant d'entrer en guerre aux côtés des alliés, en mai 1915, le 97e sera dirigé en tête sur l'Alsace.

L'un de ses militaires, le musicien-brancardier Lucien GUY, a tenu son journal, dont je vous envoie la partie du manuscrit concernant sa campagne d'Alsace, du 14 au 22 août 1914. Il pourra vous intéresser, et aussi les membres de votre Société d'Histoire de Wintzenheim.

Lucien GUY, né en 1890 à Bonneville, étudiant en droit, avait été appelé avec la classe 1911 au 97ème. Pris par la lopi des 3 ans de service, il aurait été libérable le 25 septembre 1914...

Il appartenait à une ancienne famille de la bourgeoisie [ son grand-père avait été le premier sous-préfet nommé par Napoléon III après l'Annexion de la Savoie, en 1860 ]. Il avait fait de bonnes études et appris l'allemand.

Doué d'une étonnante mémoire, il décrit jour par jour, et en détail, les opérations en Alsace.

Du 23 août au 28 septembre 1914, le 97e combattra en Lorraine, sur le versant et la crête des Vosges, puis sera engagé en Artois. C'est là que, le 22 octobre, Guy est grièvement blessé dans le bombardement d'Arras, une marmite ayant écrasé la maison dans laquelle il se trouvait. Il sera réformé, cité à l'Ordre de la Division et décoré de la Croix de Guerre.

Après la guerre, il sera agent d'assurances à Thonon et, en 1938, comptera parmi les fondateurs de l'Académie du Faucigny, dont je suis président d'honneur.

Je serais heureux que ces souvenirs puissent vous intéresser et je vous en souhaite bonne réception, en y joignant mes meilleurs et bien amicaux sentiments.

Pr. Paul GUICHONNET


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