WINTZENHEIM 14-18

A l'Est, du nouveau !

Archéologie de la Grande Guerre en Alsace et en Lorraine


A l'Est; du nouveau

La situation géographique de l'Alsace et de la Lorraine, zone-frontière, confère à ces deux régions une place particulière pour la commémoration du premier conflit mondial. Provinces rattachées depuis 1871 au Reichsland Elsass-Lothringen sous administration allemande, avant leur retour à la France en 1918, l'Alsace et la Moselle ont constitué l'un des enjeux du conflit. Ces territoires présentent ainsi une relation directe avec cette période tragique de l'histoire et la mémoire des combats reste un élément fort de l'identité régionale.

L'archéologie des conflits contemporains, et tout spécialement du premier conflit mondial, est une branche très novatrice de la recherche, qui a ouvert récemment de nombreuses perspectives pour les études historiques et qui renouvelle la compréhension de la vie quotidienne des combattants sur les lignes de front. Des résultats importants ont été obtenus en Alsace et en Lorraine au cours de la dernière décennie, en particulier à l'occasion d'opérations d'archéologie préventive menées sur des positions militaires. Le présent ouvrage en dresse un premier bilan et aborde également de nombreuses problématiques historiques et archéologiques à travers une démarche largement pluridisciplinaire, illustrée par plus d'une soixantaine de sites documentés à ce jour dans les deux régions.

368 pages, Musées de la Ville de Strasbourg, 2013 (35 euros)


De l'usage stratégique de la ruine de château fort : la reconversion de quelques sites de châteaux du Val Saint-Grégoire

La stabilisation du front sur les hauteurs des Vosges a eu pour conséquence d'impliquer dans la tourmente de nombreux sites de châteaux forts, qui retrouvaient ainsi partiellement des fonctions défensives perdues depuis leur abandon. Leur position dominante valut en effet à des ruines d'être utilisées pour installer des postes d'observation, voire de se retrouver en pleine zone de combats : Hohrupf ou ncore Freundstein ont été, par exemple, associés aux combats du Grand Ballon. En revanche, d'autres sites, investis par l'armée allemande afin de contrer un éventuel percement du front principal, existent dans la vallée de Munster, où un certain nombre de hauteurs furent intégrées dans une ligne de défense supplémentaire. Celle-ci était censée arrêter toute progression française qui aurait pu déborder la ligne allant du Linge à Metzeral par le "Sattel".

Du début de l'été 1915 jusqu'en 1918, la croupe montagneuse du Hohlandsberg sur le Staufen a été dotée de postes d'observation, puis d'un réseau de tranchées et d'abris répartis sur les hauteurs, sans aucun ménagement pour les anciens sites castraux. La montagne porte plusieurs ruines de châteaux du XIIIe siècle, de Pflixbourg au nord jusqu'à Haut-Hattstatt au sud. La crête est dominée par le sommet du Staufen (altitude 896 m), où se trouvent des vestiges d'un château bâti par les Girsberg autour de 1281. Surplombant immédiatement le débouché de la vallée, le château de Pflixbourg a été mis en défense dès 1915. Des tranchées ont été établies dans le fossé principal et plusieurs points d'appui disposés à l'extérieur. Abritée par la ruine, une terrasse pour des baraquements a été aménagée sur le versant est, au niveau du petit col isolant le château du reste du massif. Puis, une seconde ligne de front a été créée en 1917 par crainte du franchissement de la vallée par l'armée française. Le secteur du Staufen a donc été intégré dans une barrière faite de tranchées continues et de barbelés dénommée "Honack-Staufen-Riegel". N'ayant finalement pas été exposées aux combats, ces structures, bien que fragilisées par le siècle écoulé depuis leur construction, présentent un état de conservation parfois remarquable.

La conception commune de ces aménagements visait à créer des abris défensifs et non des structures de combat. Ils étaient destinés à la seule protection des hommes et du matériel et se présentaient sous deux formes : casemates en béton coulé sur un tunnel de tôle ondulée cintrée dénommée "Hindenburg" (Staufen) ou tunnels à une ou deux entrées creusées dans la roche (Pflixbourg, Hohlansbourg, Haut-Hattstatt) selon les technique de mine (Stollen). Leurs entrées étaient renforcées par des coffrages bétonnés. A l'exception de l'abri du Hohlandsbourg, ces installations étaient dissimulées par des fossés ou les versants, les fossés médiévaux offrant l'avantage de former des tranchées préexistantes. Les installations de Haut-Hattstatt ont été complétées par des terrassements éventrant les fossés sur le versant nord et leurs décombres ont été utilisés pour la construction d'une terrasse d'accès. [...]   

Jacky Koch (page 63) 


Notices de sites

 Wintzenheim "Hohlandsberg" : un massif fortifié allemand

Une prospection inventaire prenant en compte l'ensemble du massif du "Hohlandsberg" de la Préhistoire à la Grande Guerre a été réalisée dans le cadre d'un programme collectif de recherche. Un relevé LIDAR complet suivi d'une prospection de terrain ont permis d'identifier une centaine d'anomalies ou groupes d'anomalies, dont vingt-six peuvent être attribuées à des aménagements de la Grande Guerre. A l'intérieur de ce corpus, dix-neuf structures sont construites en pierres (maçonnées ou non) et sept autres comportent du béton.

D'une manière générale, on distingue plusieurs types d'aménagements :
- les structures fossoyées non appareillées : emplacements de baraquements en bois et tranchées simples, non maçonnées (site n° 46) ;
- les structures fossoyées appareillées : substructures d'abris individuels ou collectifs (sites n° 36 et 37), tranchées de type tirailleur (sites n° 40, 41 et 50), et abris divers (sites n° 42,43, 47, 48, 51 et 52) ;
- les structures bétonnées : observatoires (site n° 39), structures rocheuses naturelles aménagées (site n° 53) et abris (sites n° 34 et 35).

Deux entrées de galeries possèdent des frontons en béton moulé où figure une croix de fer associée à l'année 1916. Chacune d'entre elles porte une devise : "Maul halten !" (Taisez-vous !) et "Durchhalten !" (Tenez bon !). A l'intérieur de ces galeries, on note la présence de dédicaces permettant d'identifier les régiments ayant participé à l'aménagement de la position.

L'analyse du LIDAR, des plans directeurs de tirs et des cartes militaires des deux camps permettent de mieux appréhender ces vestiges en identifiant une ligne continue de défense située sur le rebord ouest et sud du massif. Celle-ci est constituée de tranchées associées à des abris et des réseaux de fil de fer barbelé. On note également la présence dans un secteur central isolé d'une zone d'entraînement caractérisée par la présence de trois galeries. D'un point de vue général, ces aménagements correspondent à une ligne de défense allemande liée à la stabilisation du front. La position de défense d'arrière-front du massif du "Hohlandsberg" se compose d'une organisation fortifiée de hauteur permettant à l'armée allemande de répondre à deux objectifs territoriaux à l'est du champ de bataille du Linge, en couverture de la vallée de la Fecht sur la ligne Munster/Colmar. Il s'agissait d'abord d'établir des observatoires sur les sommets ayant une vue directe sur la ligne de front et de communiquer par relais optiques entre la ligne de front et les centres de commandement. Parallèlement, l'établissement d'aménagements militaires sur ce massif permet la création de verrous fortifiés de hauteur occupés de manière permanente ou ponctuelle en cas de fluctuation de la ligne de front ou de coups de main sur les positions allemandes arrière. Deux types de structures caractérisent cette position : des emplacements militaires à vocation défensive (verrous de cols ou de vallée, fortifications de hauteur, postes de défense anti-aérienne) et à vocation technique (postes optiques relais, postes d'observation).

Michaël Landolt (pages 308 et 309)


Copyright Guy Frank 2014

E-mail : contact@knarf.info

Retour au Sommaire

WINTZENHEIM 14-18